La chirurgie accentue les douleurs de l’endométriose ? Mise au point d’une médecin français
Victoria Louvel
Rédactrice Santé
La chirurgie pour traiter l’endométriose ? Les limites de cette méthode ont récemment été rappelées par des chercheurs des universités d’Oxford et d’Edimbourg. En réalité, certaines conditions doivent être réunies pour qu’une intervention chirurgicale soit décidée. Explications et éclairages avec la Docteur Emilie Faller, gynécologue-obstétricienne.
QUELQUES RAPPELS SUR L’ENDOMÉTRIOSE
De plus en plus répandue quoiqu’encore relativement inconnue, l’endométriose toucherait environ 10% des femmes à-travers le monde, selon le ministère de la solidarité et de la santé. Le symptôme le plus fréquent ? Les douleurs pelviennes qui peuvent intervenir à tout moment de la vie des femmes concernées, en particulier avant la ménopause et à proximité des règles ; ces douleurs étant souvent ressenties et décrites comme insupportables.
Pour rappeler brièvement en quoi consiste cette pathologie, l’endométriose correspond à une migration, plus ou moins étendue, de cellules de l’endomètre ou, autrement dit, de la muqueuse utérine, ailleurs qu’à leur emplacement originel : ovaires, vagin, organes digestifs, vessie… Cette migration inexpliquée provoque alors des lésions ravivées au fur-et-à-mesure des cycles menstruels et de leurs variations hormonales.
L’endométriose est répartie en 4 stades, les deux premiers stades correspondant à une endométriose dite légère, et les deux derniers à une endométriose sévère. Trois formes d’endométriose se distinguent : l’endométriose péritonéale superficielle (la plus répandue puisqu’elle concerne 80% des femmes atteintes par cette pathologie), l’endométriose ovarienne kystique et l’endométriose profonde.
Si la cause de cette migration cellulaire reste encore inconnue à ce jour, plusieurs facteurs pourraient néanmoins la favoriser : antécédents de santé et familiaux, exposition à des toxiques de type perturbateurs endocriniens, consommation de tabac et de drogues, prise de certains médicaments, notamment.
ET LA CHIRURGIE DANS TOUT CELA ?
Pour soulager les trois types d’endométriose répertoriés plus haut, la chirurgie était souvent préconisée et c’est ce qui a motivé l’alerte lancée par les chercheurs des universités d’Oxford et d’Edimbourg : selon le type d’endométriose rencontré, la chirurgie n’est pas recommandée ; au contraire, puisqu’elle risquerait d’accentuer les douleurs ressenties par les patientes en portant atteinte aux nerfs.
Il arrive d’ailleurs que ces derniers deviennent, malgré eux, acteurs de l’endométriose. C’est ce qui arrive en cas d’endométriose péritonéale superficielle qui présente le plus de risques que les nerfs soient imbriqués, eux aussi, dans les lésions. Cela explique, en partie, que les douleurs ressenties par les patientes soient particulièrement fortes.
« Dans les situations où l’endométriose est disséminée, il n’y a malheureusement pas vraiment de solution durable pour ces patientes, à l’heure actuelle », déplore la Docteure Emilie Faller qui ajoute : « Lorsque les nerfs sont pris dans la maladie, un choix s’impose : opérer et risquer de retirer des cellules nerveuses ou réfléchir à d’autres alternatives que la chirurgie. »
Un choix pas toujours compréhensible des patientes qui souffrent : « À force de ressentir des douleurs chroniques, ces femmes ont développé une hypersensibilité pelvienne et pensent que la chirurgie est la solution pour éradiquer leur mal. Or, il faut opérer le moins possible.
J’explique à mes patientes qu’une intervention chirurgicale ne va pas soigner leur endométriose, mais nettoyer les lésions opérables. Si la chirurgie n’a plus à faire ses preuves et ne doit pas être redoutée pour autant, elle doit néanmoins, en particulier dans le cas de l’endométriose chez les jeunes femmes, être utilisée en dernier recours et ne pas être répétitive », explique la gynécologue-obstétricienne.
DANS QUELS CAS LA CHIRURGIE PEUT-ELLE INTERVENIR ?
Face à de l’endométriose ovarienne kystique ou en cas d’endométriose profonde dont les lésions seraient localisées, la chirurgie peut être recommandée. « Elle est d’ailleurs utile pour les lésions de taille considérable », ajoute la Docteure Emilie Faller qui précise : « Si les lésions sont très étendues de part et d’autre des ligaments utéro-sacrés notamment, on ne pourra pas tout retirer lors de l’intervention chirurgicale, car cela risquerait alors de toucher les nerfs et donc le bien-être de la patiente sur le long terme. On peut donc se permettre d’en laisser. En chirurgie, il faut aussi savoir s’arrêter. »
Autre situation dans laquelle une opération s’impose ? Lorsque la qualité de vie des patientes concernées est diminuée au quotidien, malgré les traitements médicaux. En faire part, en détails, à son médecin spécialiste est alors essentiel.
NERVE SPARING SURGERY OU CHIRURGIE DE PRESERVATION NERVEUSE : UNE SOLUTION D’AVENIR ?
Plus particulièrement applicable aux endométrioses profondes, la nerve sparing surgery, comme son nom l’indique, est une technique chirurgicale permettant d’opérer en conservant un maximum les fonctionnalités nerveuses et le nerf dans son ensemble. Surtout répandue pour opérer certains cancers, notamment celui du col de l’utérus, cette forme de chirurgie complexe, encore peu généralisée dans nos cliniques, nécessite une formation poussée pour pouvoir la pratiquer.
Toutefois, il faut savoir que ce type d’intervention risque d’entraîner certaines conséquences par la suite : difficultés à uriner, lors de rapports sexuels, ou encore constipation sont les effets secondaires les plus répertoriés à la suite d’une chirurgie de préservation nerveuse. Ils ne sont, bien sûr et heureusement, pas systématiques. Ils interviennent généralement quand la maladie a atteint les nerfs et que retirer une partie de ces derniers avec les lésions, est devenu inévitable.
Décider de subir ou non cette chirurgie innovante ? Une décision qui appartient, bien sûr, à la patiente, une fois que cette dernière aura pris connaissance des risques qui peuvent en découler auprès de son médecin. Ce type d’intervention est réalisé dans des centres experts en chirurgie mini-invasive.
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