Les solutions aux troubles de l’ovulation
EXPERT
@ Docteur Véronique Bied Damon
(Gynécologue-Obstétricien)
@Victoria Louvel
Rédactrice Santé
Lorsqu’une femme rencontre des difficultés à être enceinte, son gynécologue commence généralement par vérifier qu’elle ne souffre pas d’un trouble de l’ovulation. D’ailleurs, ces troubles représentent 35% des cas d’infertilité féminine. Mais qu’est-ce qu’un trouble de l’ovulation ? Comment l’expliquer ? Quel est leur impact sur la fertilité ? Quelles solutions s’offrent aux femmes qui en rencontrent ? Réponses dans cet article, avec l’éclairage de la gynécologue Véronique Bied Damon.
QU’EST-CE QU’UN TROUBLE DE L’OVULATION ?
Il peut concrètement se traduire par des troubles du cycle : des règles absentes ou irrégulières et des cycles menstruels anormalement courts ou longs. Autant de symptômes qui justifient de prendre rendez-vous avec son gynécologue au plus tôt : « Un traitement sera mis en place dès que le bilan d’infertilité sera fait, soit à partir d’un an de tentatives de grossesse, et dès que le diagnostic est posé », relate Véronique Bied Damon.
Pour rappel, la période d’ovulation n’est pas toujours la même d’une femme à une autre. S’il est courant de penser que cette étape survient le 14ème jour du cycle pour un cycle régulier de 28 jours, en réalité, ce n’est pas toujours le cas, même lorsque le cycle est régulier.
En cas d’irrégularité de ce dernier, l’ovulation peut être raréfiée : on parle alors de dysovulation. Il arrive aussi que l’ovulation soit systématiquement absente : c’est ce que l’on appelle anovulation qui se traduit le plus souvent par une absence de règles ou aménorrhée.
COMMENT EXPLIQUER UN TROUBLE DE L’OVULATION ?
Il peut être d’origine gynécologique, hormonale, neuro-hormonale, mais aussi environnementale.
> Les troubles d’origine gynécologique ou ovarienne
L’une de ces origines est l’insuffisance ovarienne, en nette augmentation ces dernières années. Elle correspond à la diminution ou à l’appauvrissement du stock de follicules (futurs ovules) dont dispose la femme dès sa naissance. Plus courante à partir de 10 ans avant la ménopause (soit à partir de 42 ans environ, étant donné que la ménopause intervient aux alentours de 52 ans), elle peut néanmoins intervenir plus tôt : il s’agit alors d’une insuffisance ovarienne précoce ou primitive.
> Les troubles d’origine hormonale
Certains dérèglements hormonaux ont également un impact sur l’ovulation. Le plus répandu est le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) qui se traduit par une sécrétion trop importante d’androgènes par un ovaire, créant alors une accumulation de follicules : « Les femmes atteintes du SOPK ont des troubles du métabolisme de l’insuline avec une insulinorésistance. Généralement, le SOPK est donc associé à un excès pondéral parfois prédisposé au diabète, avec une prédisposition génétique et donc familiale. »
Une anomalie des hormones thyroïdiennes (l’hyperthyroïdie, qui nécessite une prise en charge par un endocrinologue ; et l’hypothyroïdie, plus répandue) et l’élévation de la prolactine risquent aussi de provoquer un trouble ovulatoire, notamment provoquer des troubles du cycle jusqu’à l’aménorrhée. Une IRM hypophysaire peut être demandée .
> Les troubles d’origine centrale ou neuronale
Enfin, certains troubles des centres nerveux endossent la responsabilité d’une mauvaise ovulation. Cette dernière possède alors une origine dite centrale. On appelle ces troubles hypothalamo-hypophysaires. « Les femmes qui en sont atteintes sont généralement hyperactives ou hyper-sportives, particulièrement compétitives et très stressées. L’hyperactivité est une source de stress pour l’organisme qui a également besoin de moments de repos. Très minces, un certain nombre de ces femmes souffre d’anorexie. Sous l’influence du stress intensif, sportif ou alimentaire, le cerveau bloque le fonctionnement cyclique de l’ovaire.»
> Le rôle de l’environnement dans les troubles de la fertilité
Le mode de vie des patientes et leur exposition à certains toxiques, en particulier aux perturbateurs endocriniens, ont une influence sur leur ovulation à ne surtout pas négliger. « L’exposition remonte parfois à l’enfance, voire au moment où ces femmes étaient des fœtus dans le ventre de leur mère. On dit alors qu’elle est épigénétique. Le caractère sain de leur mode et de leur hygiène de vie est véritablement déterminant sur l’ovulation. » Si tous les perturbateurs endocriniens ne sont pas toujours évidents à reconnaître, d’autres recommandations sanitaires sont évidentes comme ne pas fumer ou manger des fruits et légumes sans pesticides.
L’aspect psychologique, inhérent au mode de vie et à l’environnement, pèse aussi dans cette balance : « D’une manière générale, nous subissons un quotidien de plus en plus stressant où tout doit aller toujours plus vite. On repère immédiatement les femmes qui le subissent intensément en consultation. »
QUEL EST LEUR IMPACT SUR LA FERTILITÉ ?
> L’impact des troubles d’origine gynécologique
Dans le cas de l’insuffisance ovarienne, elle agit par nature sur la fertilité puisque, pour qu’il y ait une chance de fécondation, il faut que, du côté de la femme, l’ovulation ait lieu au préalable. Les chances d’être fertile sont d’autant plus diminuées dans le cas d’une insuffisance ovarienne précoce puisque la diminution ou l’appauvrissement du nombre de follicules démarre toujours une dizaine d’années avant la ménopause. Ainsi, si cette dernière intervient prématurément à 40 ans, l’insuffisance ovarienne débutera vers 30 ans. De plus, la qualité des ovocytes est également amoindrie par ce trouble, ce qui favorise les fausses couches. Le dosage d’AMH est un bon reflet du stock en follicules.
> L’impact des troubles d’origine hormonale
Le SOPK entraîne une production particulièrement accrue de testostérone, normalement présente en quantité réduite dans l’organisme féminin. Irrégularité et allongement des cycles, aménorrhée : autant de conséquences du SOPK, responsable de l’infertilité chez près de la moitié des femmes atteintes de ce syndrome.
Hyperthyroïdie et hypothyroïdie influencent négativement l’ovulation, puisqu’un bon fonctionnement ovarien dépend aussi d’une quantité suffisante d’hormone thyroïdienne. La vérification de son taux lors d’un bilan sanguin (TSH) est incontournable dans la recherche des causes d’infertilité.
Produit par l’hypophyse, le taux de prolactine est parfois excessif en dehors d’une grossesse ou d’une période d’allaitement : on parle alors d’hyperprolactinémie, qui peut notamment être cause d’anovulation.
> L’impact des troubles d’origine centrale ou neuronale
Au niveau neuronal, c’est le cerveau qui commande la sécrétion des hormones déterminantes dans le cycle ovarien. « Plusieurs études scientifiques ont démontré que certaines défaillances centrales neuronales telles que les troubles hypothalamo-hypophysaires, étaient à l’origine de dérèglements hormonaux provoquant une anovulation dite centrale, comme chez les anorexiques ou les femmes pratiquant du sport intensif. » Le comportement trahissant ce trouble, évoqué précédemment, ne favorise pas non plus la fécondité puisque l’organisme, en étant stressé et en activité permanente, met alors en place une forme de blocage à la conception.
> L’impact environnemental
Les perturbateurs endocriniens, présents dans des produits clairement identifiés et en partie retirés de la vente (certains produits d’entretien ou de jardinage et le bisphenol A, notamment) sont composés de substances toxiques qui, en entrant en contact avec l’organisme (par inhalation ou par la peau par exemple), influent sur les hormones de l’axe hypophysaire, actrices de l’ovulation et donc de la fécondité.
Psychologiquement parlant, la prolactine et le cortisol sont particulièrement en action lors d’une phase de stress (un stress aigu peut d’ailleurs provoquer une interruption des règles durant un ou plusieurs cycles chez toutes les femmes), mais aussi chez celles qui souffrent de stress chronique. « Ces deux hormones entrent alors en interaction avec les hormones de l’ovulation et perturbe le processus de l’ovulation », résume Véronique Bied Damon.
TROUBLES DE L’OVULATION : QUELLES SOLUTIONS ?
Un traitement, adapté au trouble et à la femme qui le subit (en fonction de son âge, de sa morphologie, de sa génétique et de son environnement) est mis en place. L’objectif est commun : restaurer l’ovulation le plus normalement possible.
On conseille toujours de commencer par des recommandations telles que l’arrêt du tabac, la perte de poids en cas d’excès pondéral afin que le BMI soit compris entre 20 et 35, et avoir un bon sommeil. Certains centres de PMA distribuent des recommandations afin d’éviter l’exposition à certains perturbateurs endocriniens dans l’alimentation, la cosmétologie, les produits d’entretien, etc.
> Les solutions face aux troubles d’origine gynécologique
En cas d’insuffisance ovarienne précoce et si cette dernière n’est pas trop sévère, c’est l’injection d’hormones qui est généralement prescrite. « L’objectif est de stimuler l’ovulation, à partir d’injections de FSH recombinante ou de HMG. Les premières stimulations ovariennes peuvent être aléatoires car on ne peut jamais prévoir comment vont réagir les ovaires : on peut rapidement obtenir une réponse correcte mais avec un pic trop prématuré de LH par exemple. Dans d’autres cas, on peut avoir à faire à une résistance aux hormones FSH nécessitant une augmentation de la durée et des doses des injections. Il faut parfois préparer quelques cycles en amont pour faire chuter leur taux naturel de FSH afin que l’ovaire soit re-sensibilisé à cette hormone, grâce à la prise d’une pilule ou d’œstrogènes. » La gynécologue recommande alors : « Même si cela paraît facile à dire, il faut faire preuve de patience, d’autant plus quand on est jeune. Le pronostic dépend beaucoup de l’âge. »
> Les solutions face aux troubles d’origine hormonale
Dans le traitement du SOPK, un régime alimentaire, avec une vigilance accrue sur la diminution de sucre, doit généralement être mis en place. « La prise du complément alimentaire Inositol, qui diminue l’insulino-résistance de l’ovaire, s’avère également efficace. Selon la sévérité du syndrome SOPK , des piqûres de FSH ou HMG pourront également être administrées. »
Les cycles ainsi stimulés, bénéficient alors d’une surveillance appelée « monitorage » : « Une échographie ainsi qu’une prise de sang sont effectuées dans les 5 premiers jours du cycle, puis au 9ème ou 10ème jour, puis tous les 2 à 3 jours, jusqu’à obtenir un ou 2 follicules répondant à nos critères de déclenchements (notamment sa taille qui doit correspondre à 17-18 millimètres). On répète le protocole de stimulation durant 3 cycles, puis on établit un premier bilan si ces premières tentatives sont infructueuses. On tâche de savoir pourquoi cela n’a pas marché, on réajuste et l’on repart avec ce traitement pour 3 cycles supplémentaires, ou on bascule en AMP si nécessaire, selon le contexte et l’âge. »
De réelles sources d’espoir pour les patientes : « Le taux de conception s’élève à 15-20% par cycle. Le monitorage du cycle est indispensable pour éviter tout risque de grossesse multiple particulièrement plus élevé en cas de SOPK ! »
> Les solutions face aux troubles d’origine centrale ou neuronale
En parallèle d’une rééducation du comportement (apprendre à se poser, à lâcher prise, à manger en quantités suffisantes et équilibrées), l’injection de LHRH, dont la fonction est de remplacer l’hypothalamus, peut être mise en place : « On installe une pompe au LHRH , de la taille d’un petit téléphone portable, qui est reliée à la patiente par une aiguille sous-cutanée. Cette dernière injecte le LHRH toutes les 90 minutes pour stimuler les ovaires. Les taux de succès sont élevés. Il est parfois nécessaire de préparer l’utérus avec un traitement estroprogestatif lors du cycle précédent.
Au-delà de ce traitement, il est primordial que ces patientes modifient leur mode de vie car c’est une clé de réussite pour démarrer et maintenir une grossesse dans de bonnes conditions. » Un accompagnement psychologique est souvent nécessaire.
Des solutions variées existent pour lutter contre les troubles de l’ovulation, quels qu’ils soient. Afin de mieux vivre les traitements et les changements de vie qu’ils impliquent, Véronique Bied Damon prodigue un dernier conseil d’encouragement : « Ces femmes ne doivent pas hésiter à entamer un suivi psychologique en parallèle. D’autres alternatives aux séances de psy existent aussi, l’essentiel étant de se détendre : acupuncture, méditation… Tout est envisageable, du moment que l’on se fait du bien ! Cela contribue largement à un meilleur vécu et probablement un meilleur résultat des traitements. »
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