Faire un bébé en cas de ménopause précoce
EXPERT
@ Docteur Véronique Bied Damon
(Gynécologue spécialiste de la reproduction)
@Victoria Louvel
Rédactrice Santé
Concernant de plus en plus de femmes en âge de procréer, la ménopause précoce est l’une des causes majeures de l’infertilité féminine. Comment la décrire et l’expliquer ? Quels sont les moyens pour lutter contre ce trouble ? Explications et conseils prodigués par la gynécologue Véronique Bied Damon.
QU’EST-CE-QUE LA MÉNOPAUSE PRÉCOCE ?
« Ce trouble peut commencer dès les premiers cycles de la vie d’une jeune femme », prévient Véronique Bied Damon. À l’origine de la ménopause précoce ? L’insuffisance ovarienne. En nette augmentation ces dernières années, elle correspond à la diminution ou à l’appauvrissement du stock de follicules (autrement dit, des futurs ovules) dont dispose la femme dès sa naissance.
À partir de 42 ans environ, l’insuffisance ovarienne est « attendue », puisqu’elle est censée intervenir une dizaine d’années avant l’âge de la ménopause (vers 52 ans, en général). Toutefois, elle est qualifiée de précoce ou primitive lorsqu’elle a lieu plus tôt et correspond alors au trouble de la ménopause précoce, puisque c’est l’insuffisance ovarienne qui enclenche la ménopause. « Certaines femmes épuisent leur stock de follicules beaucoup plus rapidement que d’autres. Il peut être moins important dès le départ (en règle générale, chaque femme naît avec un stock de 400 000 follicules, soit 200 000 follicules dans chaque ovaire, NDLR) ou peut s’épuiser plus rapidement que la normale (lors de chaque cycle, une femme perd 1000 follicules en moyenne, NDLR). »
En plus du critère quantitatif, la qualité des ovocytes est également déterminante puisque : « Plus une femme prend de l’âge, plus la qualité de ses ovocytes diminue. »
LES FACTEURS DÉCLENCHEURS DE LA MÉNOPAUSE PRÉCOCE
Plusieurs causes peuvent expliquer une ménopause précoce.
> La génétique
Pour la Docteure Bied Damon, « si une femme est atteinte de ménopause précoce avant 25 ans, la cause est forcément génétique. En résumé, plus la ménopause est précoce, plus il y a de chances pour que son origine soit génétique. »
L’anomalie génétique la plus fréquente pour expliquer l’insuffisance ovarienne est le syndrome de Turner. Touchant exclusivement les femmes, cette anomalie porte sur l’un de leurs chromosomes X. Au lieu d’avoir 46 chromosomes dont 2 chromosomes sexuels XX, la femme dite « turnérienne » en possède un de moins, ou bien l’un est doté d’une anomalie le rendant « fragile » et donc considéré comme manquant ; ce qui correspond à la combinaison chromosomique 45 X0.
« Certaines causes génétiques peuvent être difficiles à mettre en évidence. Généralement, nous demandons à ces femmes l’âge auquel leur mère a été ménopausée car le contexte familial est à prendre en considération, et il peut y avoir une prédisposition génétique. Si la mère d’une patiente a été ménopausée jeune, cela incitera son médecin à la prendre en charge plus rapidement. De plus, ces prédispositions génétiques ou familiales s’expriment plus ou moins fortement, en fonction de la sensibilité de la femme concernée. »
> L’environnement
L’exposition à certains toxiques, en particulier aux perturbateurs endocriniens dans leur ensemble (phtalates, pesticides) ainsi qu’au tabac et plus généralement aux substances considérées comme reprotoxiques (autrement dit, les toxiques qui risquent d’altérer la fertilité) joue un rôle non négligeable dans le déclenchement de la ménopause précoce. « Là encore, bien que toutes ces substances soient objectivement mauvaises, tout dépend de la susceptibilité individuelle génétique à ces toxiques : chaque femme sera plus ou moins sensible à l’un ou l’autre de ces toxiques. »
Une alimentation équilibrée et saine ne souffrant pas de carences en acides gras essentiels, comme les oméga 3 (qui favorisent la production d’œstrogènes, essentiels à l’ovulation), est également déterminante : « Attention aux régimes trop stricts ! », met en garde Véronique Bied Damon.
> La médecine
Certains médicaments et traitements présentent des effets secondaires risquant d’influer sur les follicules, et donc sur la ménopause précoce.
« Une chirurgie de l’endométriome ou ovarienne qui aurait été compliquée, peut également expliquer une insuffisance ovarienne.
Les femmes en âge de procréer qui ont dû faire de la chimio ou de la radiothérapie courent également le risque d’enclencher une ménopause précoce. D’ailleurs, on leur propose généralement, avant de démarrer le traitement, de congeler leurs ovocytes (auto-préservation ovocytaire) pour le cas où elles souhaiteraient concevoir par la suite. Cette proposition devient d’autant plus systématique que le nombre de cancers augmente chez les femmes jeunes. »
LES IMPACTS DE LA MÉNOPAUSE PRÉCOCE SUR LA FERTILITÉ
Elle agit, par définition, sur la fertilité puisque, pour qu’il y ait une chance de fécondation, il faut que, du côté de la femme, l’un des 1000 follicules qu’elle perd lors de chaque cycle, libère un ovule.
Les chances d’être fertile sont d’autant plus restreintes en cas d’insuffisance ovarienne précoce puisque le stock de follicules est diminué, ainsi que, par conséquent, le nombre de ceux qui sont « lâchés » au cours de chaque cycle.
La diminution ou l’appauvrissement du nombre de follicules démarre toujours une dizaine d’années avant la ménopause. Ainsi, si cette dernière intervient prématurément à 40 ans, l’insuffisance ovarienne débutera vers 30 ans, réduisant alors d’autant plus la période durant laquelle la femme pourrait devenir enceinte.
N’oublions pas que la qualité des ovocytes est également amoindrie par la ménopause précoce. Or, la fertilité est avérée si les follicules sont en nombre et de qualité suffisants.
LES SOLUTIONS FACE À LA MÉNOPAUSE PRÉCOCE
Premier conseil accessible sans avoir besoin de consulter : « Avoir le mode de vie le plus sain possible ! Agir de la sorte, c’est mettre toutes les chances de son côté, car l’insuffisance ovarienne est généralement causée par plusieurs facteurs. »
Première étape dans la prise en charge médicale ? Prescrire un bilan sanguin qui permettra de vérifier le taux d’AMH. « Si ce dernier est anormalement faible, c’est un indicateur de baisse du nombre de follicules car ce taux baisse normalement en raison de l’âge. » Mais avant de poser le diagnostic d’une ménopause précoce, il faut vérifier le dosage hormonal de la FSH, de l’AMH donc, mais aussi du taux d’œstradiol : « Plus ce dosage sera bas, plus la ménopause précoce sera profonde », résume la Docteure Bied Damon.
À la suite de ce bilan sanguin et en fonction de ses résultats, une échographie des ovaires sera prescrite et permettra de procéder au compte de follicules antraux. « Là encore, plus leur taux sera bas, plus l’insuffisance ovarienne sera marquée. »
Le mot d’ordre pour Véronique Bied Damon, en ce qui concerne la prise en charge : « Le traitement doit être adapté à la sévérité de la ménopause précoce et au type de stimulation des ovaires souhaité. »
En cas d’insuffisance ovarienne précoce peu sévère, l’injection d’hormones est généralement prescrite. « L’objectif est de stimuler l’ovulation à partir d’injections de FSH recombinante ou de HMG. Les premières stimulations ovariennes sont généralement aléatoires car on ne peut jamais prévoir comment vont réagir les ovaires : on peut rapidement obtenir une réponse correcte mais avec un pic prématuré d’ovulation. Dans le cas opposé, on peut avoir affaire à une résistance des hormones et une ovulation qui se déclenche au bout de plusieurs injections. La règle, à partir du moment où l’on obtient une réponse favorable, est d’augmenter les doses jusqu’à obtenir un ou 2 follicules. »
Étape intermédiaire dans le cadre d’une stimulation ? « Il faut parfois intervenir pour faire chuter le taux naturel de FSH afin que l’ovaire soit re-sensibilisé à cette hormone, grâce à la prise d’une pilule ou d’œstroprogestatifs pendant un à 3 mois. On prescrit aussi, en comprimés, de la DHEA : une hormone qui agit comme un carburant sur les œstrogènes. Cela augmente les chances de réponse favorable des ovaires. Ensuite, on arrête ce traitement et l’on reprend la stimulation ovarienne. »
Pour les formes plus sévères d’insuffisance ovarienne, si la patiente a plus de 35 ans ou si les stimulations ne créent pas de réponse positive des ovaires, on procède alors au don d’ovocytes. « Avant d’arriver à cette solution et si la patiente a moins de 35 ans, mieux vaut tenter plusieurs stimulations. » Jusqu’à 6, préconise Véronique Bied Damon.
« De plus, il faut savoir que la FIV nécessite d’avoir au moins 2 ou 3 ovocytes de bonne qualité, ce qui est moins le cas en prenant de l’âge. Cette intervention n’est donc pas forcément recommandée en cas d’insuffisance ovarienne. »
La patience est de rigueur tout au long de la prise en charge : « Un certain nombre de patientes craque avant la fin des stimulations et me demande d’envisager la FIV. Même si l’on sait et l’on comprend que cela leur semble long, ce traitement est efficace. Elles ont donc tout intérêt à poursuivre jusqu’au bout les cycles de stimulation, d’autant plus si elles sont jeunes. »
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